D'une part, cela ressuscitera mon blog (j'ai déjà pas mal écrit, donc je m'y prend bien à l'avance cette fois !)
Et surtout, cela vous permettra de mieux connaître ma plume...
Voici donc une nouvelle catégorie qui voit le jour, et qui va vous permettre de lire tout les chapitres en une fois : "Try Again"
Bien entendu, le texte est sous copyright, quand à la photo, elle est personnelle également, merci de ne rien utiliser sans me demander... mais n'hésitez pas à partager le lien dans vos réseaux sociaux ;)
Bien entendu, le texte est sous copyright, quand à la photo, elle est personnelle également, merci de ne rien utiliser sans me demander... mais n'hésitez pas à partager le lien dans vos réseaux sociaux ;)
Je vous souhaite une bonne lecture :
Chapitre 1
Lundi 7 mars 2011
:
Liste des dernières
choses à faire avant la fin du monde, prévue le 21 décembre 2012
:
- Réaliser des photos
parfaites dans toutes les techniques, ou à défaut au moins essayer
!
- Se promener dans la
rue avec un bonnet de Noël au mois d’août et regarder la tronche
des passants.
- Se faire masser au
plus proche du 21, tant qu'à faire, autant être détendue lors du
jugement dernier et bien manger aussi, parce que tant qu'à faire
autant ne pas être affamée aussi.
- Sauter en parachute.
- Visiter une dernière
fois Paris.
- Organiser une belle
fête de famille.
- Aller à la plage et
voir la mer...
Voilà les quelques
souhaits que l'ont peut lister, comme ça, pour rire, juste au cas où
; lorsque les médias semblent s'accorder pour vous dire que la fin
du monde est proche. Calendrier des civilisations mayas, prophéties
de sorcières grecques ou romaines, chercheurs et voyants plus
contemporains ; ils nous avaient tous prévenus, mais bien peu les
ont cru.
Pourtant ce jour, ou plus
exactement la veille de ce jour, je relis avec amusement cette liste.
Avec une certaine amertume aussi, si j'avais su, j'y aurais prêté
plus d'attention. J'ai toujours listé des tas de choses, toujours
rangé ces papiers, ces petits carnets et autres cahiers dans un même
tiroir, véritable matérialisation de mon cortex. Des trucs urgents,
importants ou futiles. J'aimais réfléchir sur n'importe quel sujet.
Ce que je ferais si j'étais riche, ce qu'il faudrait faire si je
sombrais dans le chômage, ce que j'aurais préféré accomplir si
j'avais été un homme... Cette manie m'est venue vers vingt ans.
Lorsque j'ai commencé à travailler dans ce confortable hôtel ***
dans lequel j'exerce toujours, enfin, j'exerçais toujours jusqu'à
il y a quelques mois... J'ai pris l'habitude d'établir des listes
pour ne rien oublier : la marchandise à préparer pour le buffet du
petit-déjeuner, les tâches à accomplir pour nettoyer parfaitement
une chambre, les informations à demander au client lors d'une
réservation téléphonique... Finalement, j'ai continué pour tout
et rien, et surtout n'importe quoi. J'écrivais sur le coup d'une
émotion, d'une question. Je solutionnais, j'accomplissais, je me
satisfaisais avec orgueil de chaque petit croix cochée. Avec la
sensation de bien remplir ma vie, de détenir la clé de la réussite.
Comme tout cela semble
inutile et vain aujourd'hui ! Malgré tout je ne peux m'en empêcher
:
« Les photos
parfaites, c'est fait : lors de la fête de famille au début de
l'année, et lors des sorties à Paris et à la mer. Pour le
reste... »
Je froisse le papier de
rage car LA FIN DU MONDE C'EST DEMAIN !
La fin du monde,
l'apocalypse... J'ai toujours prétendu que d'après les descriptions
qu'on nous en a fait, c'était plus proche des tristement célèbres
deux guerres mondiales du début du siècle dernier et que nous
étions bel et bien là pour témoigner qu'on pouvait y survivre...
Personne ne s'est alarmé
du tsunami en Asie en 2004, du tremblement de terre à Haïti en 2009
ou de l'éruption volcanique de l'Eyjafjöl en Islande en 2010...
Quand j'y repense, c'était pourtant comme autant de signaux
d'alarmes, mais c'est surtout la catastrophe au Japon de 2011 qui fut
fatale à l'humanité. De toutes évidences, le grand nuage toxique,
consécutif à l'explosion d'une centrale nucléaire à Fukushima a
déréglé les saisons et perturbé l'environnement. On ne s'en est
pas aperçu tout de suite, juste le temps d'oublier la menace, de se
croire invulnérables face à la nature et de se dire que ce n'est
pas encore cette fois qu'elle accomplira sa vengeance.
Et pourtant, cet hiver a
été le plus froid jamais connu. Trois semaines de froid intense se
sont succédé de fin janvier à la mi-février, sans que qui que ce
soit ne s'en soucie. Pannes et manque de chauffage en tout genre
avaient pourtant déjà décimé une partie de la population. Puis,
les pluies diluviennes ont entraîné d'énormes inondations au
printemps. Ces mauvaises conditions ont empêché une production
normale des matières premières. Et comme cette pénurie ne se
limite pas qu'à un pays mais touche bel et bien la planète entière,
chacun doit apprendre à se rationner. En été, une nouvelle grande
canicule qui persistera presque jusqu'à la fin du mois de septembre
causera des ravages différents. À peine un mois de répit en
octobre et dès novembre les premières neiges tombent déjà et
c'est à nouveau une période de froid intense. Les maladies graves
(la grippe A et aviaire à côté c'est de la rigolade ) en ont
achevés d'autres et pour les survivants, se trame une sorte de
guerre civile et de chaos où les plus démunis prennent par la force
le peu qu'il reste aux moins démunis (pour la solidarité on
repassera). Il ne reste donc plus grand monde et les derniers
regrettent d'avoir tant pris à la légère les prédictions des
différentes civilisations. La perte de l'humanité a été
extrêmement rapide.
Ce soir du 20 décembre
2012, je n'ai donc aucune envie de réaliser mon dernier souhait et
de m'offrir une dernière orgie. Et ça fait depuis la fin de l'été
qu'on ne trouve plus de masseurs nulle part... Nous sommes les trois
derniers survivants de la famille. Nous avons décidé de cesser
l'activité hôtelière, ou plutôt, la société a décidé à notre
place. Personne ne va prendre de vacances lorsque la principale
préoccupation quand on se lève le matin est de survivre ! On passe
nos journées sous la couette. En septembre, à cause de la pénurie
de professeurs, des écoles parfois détruites ou tout au moins
réquisitionnées pour abriter les survivants ; la décision a été
prise qu'il n'y aura pas de rentrée des classes cette année. La fin
d'année scolaire 2011-2012 ayant de toutes façons démontré les
résultats les plus catastrophiques jamais vus depuis que l'école
existe ! En toute honnêteté, nous avions pris la décision dès
juillet de ne plus envoyer notre enfant à l'école : la saison
hôtelière a été effectivement catastrophique, cela faisait
plusieurs années que nous avions des difficultés à être payés en
temps et en heure, mais en septembre 2012, la situation était telle
qu'il fallait économiser là où on pouvait et y compris dans la
scolarité de notre petite fille.
Ce dernier soir, elle est
malade. Ce dernier soir, comme tout les soirs, on se relaie pour
dormir de peur qu'elle n'oublie de respirer. Comme chaque nuit, on a
peur de fermer les yeux et de ne pas rester vigilants. On a peur de
garder les yeux ouverts et de voir la mort s'approcher de nous sous
les traits d'une partie de la civilisation assoiffée de nos
dernières maigres ressources. J'ai toujours pensé que si un jour il
devait y avoir une apocalypse, je préférerais être parmi les
premières à y succomber. Et c'est l'inverse qui se produit. Que ce
passera-t-il ce soir là ? On nous avait prédit une date, on ne nous
a jamais parlé d'une heure. Je rajoute encore une bûche de bois
dans l'antre de la cheminée. J'écoute mon homme ronfler, ma fille
gémir de douleur. Ça me fend le cœur. Évidement, plus question de
consulter un médecin. Et les derniers médicaments n'ont pas suffit
à la soigner. Elle est atteinte de ces maux incurables mais
peut-être que demain, ce ne sera plus un problème pour elle. Je me
suis toujours demandé en riant si on penserait à prévenir les gens
trop crédules qui se sont enfermés dans un bunker que la fin du
monde n'a pas eu lieu en fait... si j'avais su.
Les flammes
m'hypnotisent, m'apaisent.
J'aurais préféré être parmi les
premières. J'aurais préféré ne pas vivre tout ça. Vais-je
regretter ma vie ? Pas cette dernière année en tout cas. Et pour le
reste ? Comme chacun il y a eu du bon, du mauvais. Née tout juste
avant les années 80, encore dans la génération X comme on nous
appelait, la « bof génération » la « génération
Mitterrand ». Un grand frère, une sœur plus jeune. Quand on
s'appelle Flora, la vie est un peu plus difficile que quand on
s'appelle Céline ou Audrey. Qui s'appelle encore Flora en 1990 et
plus encore en l'an 2000 ? Je me suis toujours sentie spéciale,
différente, jusqu'à que je sache en faire un atout. Jusqu'à que je
remarque que finalement ce prénom est en complète adéquation avec
mon physique d'éternelle femme-enfant, d'adolescente trop invisible,
de timide petite fille. Flora. On dirait presque un nom elfique.
Qu'est-ce que j'en ai inventé des contes de fée pour ma petite
princesse ! Ma petite Ondine... un parfait prénom pour une créature
du Petit Peuple, un choix loin d'être innocent ! Je ne sais pas trop
quelle valeur peut avoir ma vie à cet instant. En tout cas, tout est
écrit, répertorié. J'ai toujours tenu mon journal intime depuis
l'âge de mes seize ans. Je me suis dit que si j'avais une fille,
elle aurait peut-être plaisir à lire l'adolescente que j'étais.
Mais atteindra-t-elle cet âge ? Elle apprend tout juste à lire !
Parfois, je me disais que j'aurais dû réagir autrement, faire
d'autres choix. Ça faisait encore l'objet d'autres listes. Je
pensais réécrire ces morceaux de mon histoire, essayant de deviner
ce qui aurait changé dans le cours de ma vie si j'avais agis
différemment. C'était avant de connaître la peur, de voir mourir
le père de mon mari, son frère et ma belle-sœur et pour finir, mon
neveu Alban qui était le plus adorable des petits garçons que j'ai
connu. C'était avant de souffrir autant, avant de constater que le
plus terrifiant des cauchemars était toujours moins pire que ce que
j'ai vécu ces deux derniers mois.
Sait-on jamais, c'est
peut-être uniquement l'humanité qui est condamnée... je ne veux
pas croire que la planète entière va s'éteindre comme ça, d'un
coup. La nature a survécu, la nature s'en sort toujours d'une façon
ou d'une autre. Les ressources de la planète sont infinies même si
les scientifiques les plus alarmistes veulent nous faire croire le
contraire : rien ne se perd, rien ne se créé tout se transforme.
Alors peut-être que dans cette Terre toute neuve, on arrivera à
recréer d'autres humains. Peut-être qu'ils apprendront à
déchiffrer notre langue, peut-être que les réfugiés des bunkers
sortiront de leur cachette et auront envie de lire ce que fut nos
vies. Tout est là, dans ce meuble à tiroirs. Quand nous avons pris
la décision de ne plus vivre que dans la pièce qui servait jadis de
restaurant il a fallut réunir nos biens les plus précieux. Cette
commode remplie de tout ces carnets en faisait évidement partie.
J'en suis là de mes
réflexions. Tout est déjà écrit dans mon dernier carnet. Et
maintenant je rumine ce que j'ai écrit, parce qu'il n'y a rien
d'autre à faire. Autour de nous le silence, oserais-je dire un
silence de mort ? Et si tout était déjà finit ? Et si nous étions
parmi les tout derniers survivants ? Ou peut-être la date butoir de
la fin du monde sera-t-elle un peu plus tardive que prévu ?
J'écrirais tout ça demain... si il y a un demain. J'écrirais tout
ça demain car maintenant je suis trop fatiguée. Je n'ai même plus
la force de secouer mon homme comme je le fais habituellement pour
qu'il nous veille à son tour. Mon corps est trop lourd, le sommeil
me gagne et m'emporte.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire